HOMME FUTUR OU FUTUR DE L’HOMME

Groupe local de Strasbourg de B.E.L.

 

HOMME FUTUR OU FUTUR DE L’HOMME

Alexandre Gardea

Pour commencer, il nous faut remonter un peu dans le temps.

Pendant les 3 derniers siècles, à partir de 1750, personne n’a remis en question le  » progrès scientifique. « C’est particulièrement net au 19ème siècle et au 20ème, il s’agissait presque d’un pléonasme: science = progrès, c’est-à-dire amélioration des connaissances et du savoir, guérison des maladies, augmentation de l’espérance de vie, jusqu’à l’effroi provoqué par les bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki jusque dans les milieux scientifiques.

C’est en 1957 que le physicien Julian Huxley invente le terme de transhumanisme: « le transhumain est un homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même en déployant de nouveaux possibles de et pour sa nature humaine. » Relevons que pour lui, le TH reste un humain.

Si le mot est nouveau à ce moment-là, le concept n’est pas neuf : on peut remonter à Gilgamesh et sa quête de l’immortalité, et en sautant quelques siècles, à Benjamin Franklin qui dit fin 18ème vouloir « interrompre puis relancer le cours de la vie ». Un siècle plus tard, Villiers de l’Isle Adam rêve en 1886 dans son « EVE future » de fabriquer une nouvelle « andreîde ».

La littérature de science-fiction regorge de mondes futurs peuplés d’êtres aux possibilités infinies: citons les plus connus, Aldous Huxley et son « meilleur des mondes « divisés en castes, Isaac Asimov et ses livres « Fondation » et le français René Barjavel.

Au cinéma, de nombreux films évoquent un futur où s’affrontent l’homme et la machine : Films anciens Metropolis de Fritz Lang en 1927, Frankenstein. Films modernes : dans GATTACA en 1997: on peut choisir le génotype des enfants et on pratique l’eugénisme à grande échelle. ELYSIUM, tourné en 2013, se déroule au 22ème siècle : la Terre est rongée par la maladie, la pollution, la surpopulation; la fraction la plus riche s’est réfugiée sur une station orbitale où se trouvent des medbox, cabines permettant la régénération spontanée des cellules du corps.

Ces exemples nous montrent que l’homme a toujours rêvé, conçu, mis en scène, un ailleurs différent, un ailleurs…augmenté.
Nous voici devant un paradoxe: au moment où les sociologues parlent d’un homme diminué, diminué dans son éthique, diminué dans sa tolérance, dans son regard sur l’autre, avec repli sur soi, nationalismes, populisme, nous voyons apparaître dans nombre de publications et colloques cette notion d’homme augmenté, portant en étendard le logo H+.

Qu’est ce que le transhumanisme aujourd’hui ?
La définition, autoproclamée, est qu’il s’agit d’un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Il considère le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables.
Les penseurs transhumanistes prédisent que les êtres humains pourront être capables de se transformer en êtres dotés de capacités telles qu’ils mériteraient l’étiquette de post-humains. ils estiment donc devoir consacrer à ce but tous les moyens possibles.

Quand on parle de tous les moyens possibles, il est clair que l’on sous-entend qu’il faut des moyens économiques considérables: qui peut les avoir, et y consacrer un budget illimité? derrière le big data se cache le big money, avec un pouvoir détenu par quelques uns.
Après avoir exploité tous les pans de l’économie réelle, les grandes multinationales des nouvelles

technologies ont désigné le vivant comme leur nouvel Eldorado, en collectant un maximum d’informations sur chacun de nous puis en nous proposant divers produits susceptibles de répondre à nos attentes d’amélioration individuelle.
Ceux qu’on nomme les GAFA ( Google, Amazon, Facebook, Apple) en Californie dessinent les contours de l’humanité de demain par leur emprise économique.
La Silicon Valley prône la disruption ou faculté de bouleverser l’ordre établi, elle est persuadée que l’homme va améliorer la machine autant que la machine va améliorer l’homme. Certains vont jusqu’à ce qu’on nomme un technolibertarisme hostile aux règlementations dictées par les gouvernements: c’est une mouvance radicale du libéralisme qui prône la dissolution du politique. Ils revendiquent le droit individuel à la prise de risques, à la liberté morphologique. Ces philosophes TH radicaux soutiennent qu’il existe un impératif éthique de perfectionnisme et qu’il est souhaitable que l’humanité entre dans une ère où les humains auront le contrôle de leur évolution, la révolution naturelle étant remplacée, par tous les moyens possibles, par une transformation délibérée.
C’est ainsi que s’est créée l’alliance des GAFA et des scientifiques et idéologues libertariens : ils financent, sous forme de lobbys structurés, des organisations transnationales : Future of humanity Institute à Oxford, dirigé par le fondateur de l’ Association TH mondiale, Nick Bostrom.
Cette alliance refuse de tracer des frontières arbitraires sur la voie du progrès.
Pas de frontières, c’est le credo d’une figure fondamentale du TH, Ray Kurzweil, ingénieur fondateur de la Singularity University: selon lui, en 2029 les ordinateurs seront indistincts des humains pour le langage; en 2045 la civilisation humaine sera intégrée et il y aura un néo-cortex: il sera possible de transférer la mémoire et l’esprit humain sur un disque dur. Le point où l’homme sera dépassé par la machine est appelé point de singularité, concept défini par le mathématicien et auteur de SF Vernon Vinge en 1993 et à l’origine des travaux de Ray Kurzweil. Ce point de singularité permettra à la machine d’accéder à la conscience de soi et de ressentir des émotions.

Comment donc travaillent ces instituts?
On assiste à la convergence de 4 disciplines qui évoluaient jusque là séparément: les NBIC

– nanotechnologies: elles concernent toutes les possibilités de miniaturisation des molécules, des composants informatiques à la construction en passant par la cosmétique et les médicaments.

  • –  biotechnologies : elles concernent la connaissance du génome humain ainsi que toutes les molécules produites ou faisant partie du corps
  • –  informatique : big data
  • –  cognition : c’est le domaine des neurosciences et de l’IA proprement dite. 
Deux domaines principaux d’action de ces NBIC, qui vont déjà nous ouvrir des pistes de réflexion. 
1° domaine: la génétique et l’exploitation du génome
Il y a quelques années, le séquençage du génome coûtait 3 millions de dollars, le coût est aujourd’hui de 1000 euros. Il est possible de déterminer par simple prise de sang si le foetus est atteint d’une maladie génétique, cela est bien connu pour la trisomie 21; une société californienne a commercialisé un test dépistant 6 maladies pour les hétérozygotes, c’est à dire pour des parents porteurs sur leur génome d’un trait génétique pathologique mais inactif ; leur union étant donc susceptible d’ engendrer un enfant porteur de la maladie, le slogan de la société est « votre anomalie est un mal nécessaire , mais une grande opportunité pour le marché ».
En Inde, où il y’a un important déficit de naissances féminines, on réfléchit à la sélection du sexe avant la naissance.
En 2012, a eu lieu un événement d’une importance considérable, passé inaperçu ailleurs que dans les milieux scientifiques: c’est la mise au point par l’américaine Jennifer Doudna et la française Emmanuelle Charpentier, du CRISPR-Cas9, qui est une sorte de sécateur d’ADN, qui permet donc d’éliminer et d’ajouter des fractions génétiques. Ceci a révolutionné l’ingénierie génétique, et quelques mois plus tard, une équipe chinoise a commencé des expérimentations sur 86 embryons. Evidemment ces manipulations font courir deux types de risques :
le risque de mutations hors cibles, du coup de ciseau malencontreux
et le risque du bébé à la carte et donc d’eugénisme, posant la question : un enfant porteur d’une anomalie génétique peut il faire partie de l’humanité..du futur?
Une autre expérimentation récente qui va dans le même sens a conduit à augmenter les possibilités intellectuelles des souris en leur injectant des cellules cérébrales humaines. 
Pour se rassurer temporairement, Il faut tout de même savoir que les Français sont très bioconservateurs, seulement 13% jugeant positive la possible augmentation artificielle du QI en agissant sur le foetus, contre 38% en Inde et 50% en Chine.

Est-il bien sûr que ce discours soit un simple défi technique? Si l’homme n’était qu’ un agrégat chimique de gênes, d’hormones et de neurones, ce serait sans doute aisé. Mais la synergie de ces facteurs biologiques débouche sur une réalité différente : soulager, guérir, prévenir, réparer, est une chose, modifier un homme sain en est une autre et touche à la dimension éthique qui nous occupe. Si on sait bien remplacer les bras et les jambes, greffer un coeur, un visage, triturer les gênes, remplacer un cerveau est encore un peu plus difficile, d’où l’idée de le connecter à une machine.

2° ce qui nous conduit au 2ème domaine d’action, la robotisation et l’avènement de la machine.

ROBOT vient de robota, corvée en tchèque, et les premiers robots ont été conçus pour soulager l’homme de tâches pénibles et répétées.
Les robots s’insinuent aujourd’hui dans la relation interhumaine et la réalité dépasse largement la fiction, depuis que Deep blue a battu Kasparov aux échecs en 1997: robots d’assistance aux personnes âgées, hôtesses d’accueil au Japon, sexualité robotique, et défaite du champion du monde de go face à Alphablue en 2016.

La robolution a déjà eu lieu : les machines sont multitâches, communiquent entre elles, la production industrielle est en réseau grâce au cloud computing dématerialisé.

Les conséquences économiques en sont considérables :
les gains de productivité liés à l’automatisation du secteur industriel ont entraîné 64% de réductions d’emploi en france entre 1980 et 2012. C’est la substitution logicielle , annonçant à terme la fin des comptables, des banquiers , des économistes..
Voyez la série suédoise REAL HUMANS : les personnes au chômage ont décidé de détruire les hubots , robots chargés pourtant de tâches pénibles et routinières, comme « voleurs de travail ».
Fin 2015, une enquête focus sur la révolution technologique a été faite en Belgique :
49% ̈des emplois sont susceptibles d’être robotisés, et 39% ont une probabilité supérieure à 70%; et 93% pour les emplois de type administratif ! Pourtant c’est une opportunité pour compenser le plafonnement de la main d’oeuvre en raison du vieillissement de la population. Le grand défi n’est donc pas de freiner le développement technologique, mais de rendre l’économie suffisamment flexible pour que le progrès soit source de bien-être.
Des métiers pourront résister si sont mises en avant les qualités humaines: savoir relationnel, capacité d’abstraction, adaptation psychologique, proposition de services inédits: c’est ce que l’économiste Joseph Schumpeter appelle la destruction créatrice, à savoir la disparition de secteurs d’activité économiques et la création simultanée de nouvelles activités.

voyons à présent de façon concrète quelques projets particulièrement spectaculaires :

-projet AVATAR 2045 :
C’est l’idée de transférer un esprit humain dans un hologramme humanoïde d’ici 2045 : il s’agit d’un cerveau artificiel accompagné d’une enveloppe corporelle holographique.
« L’immortalité est un effet secondaire, c’est un moyen d’améliorer et transformer la conscience humaine, nous n’aurons plus besoins d’abris et de logements, ni de consommer nos ressources d’aujourd’hui ».
Ray Kurzweil, dans son livre Humanité 2.0, envisage de capturer l’ensemble de nos souvenirs et compétences intellectuelles grâce à des nanorobots qui scanneraient l’intérieur de la boîte crânienne et enverraient les données à l’ordinateur. Dans cet objectif, le neurobiologiste Kenneth Hayworth envisage de se suicider afin qu’on prélève son cerveau encore performant pour que ses données soient transférées par la suite.
L’ UE a également déjà investi 1 milliard d’euros dans le Humain Brain Project qui vise à créer le premier cerveau numérique.

– projet REANIMA Il s’agit de réanimer le cerveau de personnes en état de mort cérébrale en stimulant leur système nerveux, en injectant des cellules souches ( par une méthode inspirée par l’observation des amphibiens): cette expérience est menée à l’hôpital Anupam, en inde, sur une vingtaine de patients après cessation complète de l’activité cérébrale, la ventilation et la fonction cardiaque étant préservées par des moyens artificiels.

A côté de cela,
– l’utilisation d’ ANR VICTEAMS qui a créé un espace virtuel qui met à la disposition des équipes

médicales d’urgence des situations de crise et de catastrophes pour diminuer les contraintes

émotionnelles et améliorer la gestion des crises.

  • –  l’APHP et la société CarThera ont mis au point un dispositif ultrasonore implanté dans le crâne 2 
minutes avant l’injection d’une chimiothérapie antitumorale, dispositif qui diminue la barrière 
hémato-encéphalique et permet une diffusion thérapeutique 5 x meilleure.
  • –  chez google, l’équipe Magenta a conçu des oeuvre d’art qui captent les émotions des humains 
et à présent conçoit ce qu’on appelle le deep learning: comme par exemple des partitions 
musicales! – 
TROISIEME PARTIE 
Le TH est caractérisé par trois traits fondamentaux
– le projet de passer d’une médecine thérapeutique à une médecine de l’augmentation ( ainsi 
passer de la cure d’une rétinite pigmentaire à une vue d’aigle)
  • –  un nouvel eugénisme : « from chance to choice » par l’ingénierie génétique : faire passer le génome 
d’un processus aléatoire à une génétique choisie et manipulée
  • –  l’augmentation de la vie humaine en travaillant sur la longévité ( filiale CALiCO de Google) 
Devant cela , quelle attitude avoir?
2 attitudes sont absurdes : vouloir tout stopper, et vouloir tout autoriser, au nom du fantasme que tout ce qui est scientifiquement possible doit devenir réel. 
que nous propose le TH? des orthèses, des nanoparticules, de nouvelles connexions de notre cerveau, des modifications de notre patrimoine génétique; il nous donne des choix pour nous améliorer , être plus fort, plus jeune, plus connecté, plus intelligent, de manière réversible, sauf pour le patrimoine génétique transmis à nos descendants. 
Nous sommes nés avec 5 sens, nous en possédons aujourd’hui d’autres: ubiquité avec skype et les webcam, action à distance avec la domotique…
Les machines remplacent de plus en plus ce qu’on considérait comme le propre de l’homme, la connaissance, le jugement, l’analyse et le raisonnement; les hybridations homme- machine ont commencé, d’où la question : quel sera le libre arbitre d’un homme couplé à la machine? 
il nous faut donc considérer la question sur deux plans: les réalités et les projets authentiquement scientifiques les idéologies parfois détestables qui les accompagnent, 
dans le domaine de l’informatique, et dans le domaine de la robotique. 
Dans le domaine de l’informatique :
L’informatique a fait une double révolution, elle est entrée dans notre vie quotidienne, et maintenant la commande avec des algorithmes de plus en plus performants. Son développement obéit aux lois de Moore ( ou plutôt conjectures de Moore car elles sont empiriques): de façon statistique, les machines doublent de puissance tous les …18 mois.
Les TH utilisent ces lois pour fonder l’hypothèse que, grâce à cette puissance, il n’ y aura plus d’inégalité aux soins, que n’importe qui n’importe où pourra envoyer ses données médicales par son smartphone, se faire établir un diagnostic et se faire livrer son traitement adapté par drone.
Mais y a t il vraiment égalité des coûts, tout le monde pourra t il s’offrir un coup de ciseau à ADN, y aura t il vraiment égalité entre hommes augmenté et les autres? 
Dans le domaine de la robotique :
il y a une ressemblance toujours plus grande des robots avec les humains, comme le décrit le psychiatre S. Tisseron dans « le jour où mon robot m’aimera » Certains programmes savent déjà reconnaître, exprimer et modéliser des émotions : 
– Amazon a mis au point son IA, Alexa, qui est en mesure de reconnaître l’irritation ou l’agacement dans la voix de ses utilisateurs et comprendre elle-même qu’elle les énerve, au point de présenter ses excuses. 
– Voyez le film HER ,où le héros tombe amoureux de l’IA chargée de gérer sa domotique. 
Ceci conduit l’Oxford Institute à prévoir que 2/3 des emplois seraient menacés par les machines. Il est vrai que nous ne pouvons pas gagner le combat contre des tâches répétitives à fort volume: un professeur lit 10000 dissertations en 40 ans de carrière, une machine des millions en quelques minutes.

– l’ordinateur Watson d’IBM a collecté les données de 25 millions de K ( USA, Islande, et GB?), analyse les protocoles, ce qui conduit à la prescription ou au moins la suggestion de la molécule la plus efficace.( comment éviter l’influence de l’industrie pharmaceutique?)

M–ais les robots ne peuvent pas encore gérer ce qu’ils n’ont pas déjà vu de nombreuses fois, et notre capacité à connecter des informations apparemment disparates pour résoudre des problèmes inconnus créerait notre singularité face à l’ IA. Pour prédire l’impact de la robotisation sur un emploi donné, le patron de KAGGLE (plateforme web organisant des compétitions en science des données, les data) propose que l’on se pose 2 questions :

– dans quelle mesure cet emploi peut-il être réduit à des tâches répétitives et nombreuses?

– dans quelle mesure nécessite-t-il la gestion de nouvelles situations?
L’intelligence humaine, si on la considère faite d’émotion, d’abstraction, d’empathie, d’altruisme, de fraternité, est-elle remplaçable par une IA connective, collaborative, sociale? Si l’homme est libéré du travail, que fera-t-il? Le contrait social, « temps contre salaire » sera révolu.

Comment aborder la question du TH sur le plan éthique? Et comment essayer de ne pas faire une longue liste de questions, auxquelles il sera bien difficile d’apporter des réponses.

Pour Luc Ferry ,il existe deux grandes traditions humanistes pour aborder l’éthique:
– celle de saint Thomas, chrétienne, qui obéit à la loi naturelle.
– celle de Condorcet, laïque, qui définit l’humain par sa liberté, sa faculté de transgresser la nature , ce qui lui apporte une perfectibilité infinie, en particulier sur le plan biologique. L’humain s’éprouve non comme une donnée de la nature, qui est injuste et aveugle, mais comme un être se créant au fil du temps et n’ayant d’autre fin que lui-même. Il se définit parce qu’il se demande qui il est, d’où le hiatus entre les mutations scientifiques et la réflexion sur l’humain : changer la vie n’est plus un slogan politique!
Il est vrai qu’être humain c’est aussi changer pour s’adapter, sinon c’est l’extinction. C’est pourquoi les TH disent être des accélérateurs d’une évolution salvatrice, certains pensant que « les hommes d’aujourd’hui sont les chimpanzés du futur ».
Ils disent et prédisent l’allongement de la vie jusqu’à ce que Laurent Alexandre appelle dans son livre « la mort de la mort ».

que va faire l’homme augmenté de son humanité? Faut-il dépasser l’humain ou le protéger? S’agit-il de rendre l’humain plus humain ou veut- on le déshumaniser voire engendrer une nouvelle espèce, celle des post-humains? Question difficile, car comme le dit Hannah Arendt: « définir l’homme est vain, c’est comme vouloir sauter par-dessus son ombre ».

comment entamer un dialogue avec les chercheurs, dont on ne sait si ce qui les pousse est le défi, la stimulation intellectuelle, l’appât du gain , le désir de la notoriété, ou celui de la transgression? S’agit-il d’un désir narcissique de transcendance du corps humain, bien loin des préoccupations de justice sociale ?

Tout cela paraît bien pessimiste, et de fait l’histoire de l’humanité montre bien que nul n’empêchera une forme moderne d’ eugénisme, car tout le monde ne pourra pas bénéficier de cette vie augmentée.
Alors la question éthique qu’il faudra bien que se posent les dirigeants politiques, pour le moment étrangement absents du débat, c’est :

« La faisabilité est acquise, nous avons la capacité de le faire, mais avons -nous le droit moralement, légitimement, de le faire? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
comment ajuster nos valeurs aux progrès des découvertes et des techniques?

Essayons pourtant, comme nous y engage le pavé mosaïque, de nous rappeler que le blanc côtoie le noir et de trouver des motifs à ne pas laisser le champ libre à ce pessimisme de la raison . Peut être pourrions nous, par une créativité que les robots ne nous disputerons pas, libérer grâce à eux dans notre cerveau une dimension inexplorée aujourd’hui car occultée
par une féroce compétition mondiale.
Si l’on pense que l’homme est perfectible à l’infini, et c’est ce qui nous réunit ici, si l’on pense que sa liberté transcende sa nature, augmenter la longévité devient une idée joyeuse: il y’a tant de choses à voir, de livres à lire, de personnes à aimer, que vivre 300 ans n’a rien d’une perspective désagréable!

Toutes ces techniques sont des outils, l’essentiel dans cette explosion scientifique, est de savoir ce qu’on va en faire. Et des voix se lèvent pour y réfléchir :
il y a bien entendu le Comité National d’ Ethique , il y’a aussi le CERNA : commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences du numérique; même Google vient de se doter d’un comité éthique.
Il se développe aussi une culture de responsabilité, comme le témoigne la lettre de mise en garde signée par 5000 chercheurs, dont des acteurs du développement de l’ IA et publiée par le Future of Life Institute.
Des hommes hyperconnectés avec le reste de l’humanité seront peut être plus fraternels, si on fait confiance à l’humanité qui va acquérir davantage de savoirs : comme les langues d’Esope , ces savoirs peuvent être la pire et la meilleure des choses, selon l’usage qu’on en fait.
Et c’est là que le pessimisme revient, car comment réagira un pays à la conscience éthique développée, face aux excès d’autre nations moins scrupuleuses, comme nous avons pu en entrevoir quelques exemples? Résistera t il ou cèdera t il?

Qui peut répondre?
Une fois de plus, je rejoins la philosophie de Montaigne, qui nous dit: « il ne faut pas laisser au jugement de chacun la connaissance de son devoir , et le sage vit tant qu’il doit, et non tant qu’il peut. »

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